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ces hommes à l’accent méridional, n’ayez pas peur, le peuple est bon ! mais il ne veut pas qu’on le trahisse plus longtemps. Soyez un bon citoyen, Sire, et chassez de votre palais vos prêtres et votre femme ! » Le roi répondit sans colère à cet homme. La foule engorgeait le couloir étroit et sombre. Un mouvement tumultueux et irrésistible sépara un moment la reine et ses enfants du roi, qui les précédait. La mère tremblait pour son fils. Ce même sapeur qui venait de se répandre en invectives et en menaces de mort contre la reine, adouci tout à coup par ces angoisses de femme, prend l’enfant qu’elle menait par la main ; il l’élève dans ses bras au-dessus de la foule, le porte devant elle, lui fait jour avec ses coudes, entre dans la salle sur les pas du roi, et dépose, aux applaudissements de la tribune, le prince royal sur le bureau de l’Assemblée.


IV

Le roi, sa famille, les deux ministres, se dirigèrent vers les siéges destinés aux ministres, et y prirent place à côté du président. Vergniaud présidait. Le roi dit : « Je suis venu ici pour éviter un grand crime. J’ai pensé que je ne pouvais être plus en sûreté qu’au milieu de vous. — Vous pouvez compter, Sire, répondit Vergniaud, sur la fermeté de l’Assemblée nationale ; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du peuple et les autorités constituées. » Le roi s’assit. L’Assemblée était peu nombreuse,