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café Hottot et des fenêtres du Manége, l’approche du roi annoncée dans les groupes, avaient tout à coup amoncelé la foule sur le point de la terrasse des Feuillants qu’il fallait traverser pour passer du jardin dans l’enceinte de l’Assemblée. Arrivé au pied de l’escalier qui monte de la grande allée sur cette terrasse, une masse compacte d’hommes et de femmes criant et gesticulant avec rage refusèrent passage à la famille royale. « Non, non, non, ils ne viendront pas tromper une fois de plus la nation ! il faut que cela finisse ! ils sont cause de tous nos malheurs ! À bas le Veto ! à bas l’Autrichienne ! La déchéance ou la mort ! » Les attitudes injurieuses, les gestes menaçants accompagnaient ces paroles. Un homme colossal, en habit de sapeur, nommé Rocher, chef ordinaire des tumultes dans la cour du Manége, se signalait dans cette foule par la violence de ses vociférations et par la frénésie de ses insultes. Derrière lui des figures moins égarées, mais plus sinistres, échauffaient encore la fureur du rassemblement. Rocher tenait à la main une longue perche qu’il dardait d’en haut sur le cortége royal, et avec laquelle il s’efforçait ou de repousser ou d’atteindre le roi. On harangua cette foule. Les députés attestèrent qu’un décret de l’Assemblée appelait le roi et sa famille dans son sein. La résistance fléchit. Rocher se laissa désarmer de sa pique par le procureur-syndic, qui jeta l’arme dans le jardin. L’escorte, autorisée par un second décret à pénétrer sur le sol du pouvoir législatif, forma une double haie sur la terrasse. Le roi parvint ainsi jusqu’à l’entrée du passage qui conduisait de la terrasse à l’Assemblée.

Quelques hommes de la garde du corps législatif le reçurent là et marchèrent à côté de lui. « Sire, lui dit un de