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posait à la sortie de ceux qui étaient sans armes et sans uniforme, assertion involontairement trompeuse, que l’heure et la mort allaient démentir. Enfin, sur les degrés mêmes qui descendent du vestibule au jardin, Louis XVI eut encore comme un dernier avertissement de sa destinée et un dernier remords de son abdication volontaire. Il se retourna du côté des cours, jeta un regard par-dessus les têtes de ceux qui le suivaient, suspendit sa marche, et dit aux membres du département : « Mais il n’y a pourtant pas grande foule au Carrousel ! » On lui répéta les assertions de Rœderer. Il parut écouter sans y croire, et fit enfin le dernier pas hors du seuil, comme un homme fatigué de contredire, et qui cède plutôt à la lassitude et à la fatalité qu’à la conviction.


III

Le roi traversa les jardins sans obstacle entre deux haies de baïonnettes qui marchaient du même pas que lui. Le département et des officiers municipaux marchaient en tête, la reine s’appuyait sur le bras de M. de Saint-Priest, Madame Élisabeth et les enfants fermaient la marche. Le vaste espace du jardin qui s’étend d’une terrasse à l’autre était désert ; les consignes des troupes ne laissaient apercevoir personne, même sur la terrasse des Feuillants, ordinairement livrée au peuple. Les parterres, les fleurs, les statues, les gazons brillaient de l’éclat d’une matinée d’été. Un so-