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Le roi releva la tête, regarda fixement Rœderer pendant quelques secondes, pour lire dans ses yeux si ses instances recélaient le salut ou le piége ; puis se tournant vers la reine et l’interrogeant d’un regard rapide : « Marchons ! » dit-il, et il se leva. À ce mot, Madame Élisabeth avançant la tête par-dessus l’épaule du roi : « Monsieur Rœderer, s’écria-t-elle, au moins répondez-vous de la vie du roi ? — Oui, madame, autant que de la mienne, » répondit en termes douteux Rœderer. Il recommanda au roi de ne se faire accompagner de personne de sa cour, et de n’avoir d’autre cortége que le département et une double haie de grenadiers nationaux. Les ministres réclamèrent pour eux le droit de ne pas se séparer du chef du pouvoir exécutif. La reine implora la même faveur pour madame de Tourzel, la gouvernante de ses enfants. Le département y consentit. Rœderer, s’avançant alors sur la porte du cabinet du roi et élevant la voix : « Le roi et sa famille se rendent à l’Assemblée seuls, sans autre cortége que le département et les ministres ; ouvrez-leur passage, » cria-t-il à la foule des spectateurs.


II

La nouvelle du départ du roi se répandit en un instant dans tout le palais. L’heure suprême de la monarchie n’aurait pas sonné plus foudroyante et plus sinistre à l’oreille de ses défenseurs. Le respect seul contint l’indignation et la