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puyaient et la garde nationale qui le repoussait. Son triomphe fut de quelques heures. Arrêté de nouveau par ordre du département, et enfermé à Saint-Lazare pour y subir sa première condamnation, il se réclama de Danton. Danton, sentant tout le parti qu’on pouvait tirer d’un pareil homme, le fit mettre en liberté la veille du 10 août. Westermann avait flairé de loin la guerre civile et les fortunes militaires que les révolutions recèlent dans leur sein pour les soldats heureux. Il s’était donné à la cause du peuple pour grandir ou pour mourir. Danton lui fit trouver une armée et lui donna la direction de cette foule après l’avoir soulevée. Tel était Westermann. Santerre, quoique commandant général, avait senti la supériorité du jeune Allemand, et lui avait laissé le commandement de cette avant-garde et les hasards de cette expédition.

Westermann, voyant que les Suisses et les grenadiers nationaux refusaient d’ouvrir les portes, fit avancer cinq pièces de canon et menaça de les enfoncer. Ces portes en bois, tombant de vétusté, ne pouvaient résister à la première décharge. À l’approche de Westermann, les officiers municipaux Borie et Leroux, Rœderer et les autres membres du département, témoins de l’hésitation des troupes et frappés de l’imminence du danger, remontèrent précipitamment au château. Ils traversent les salles qui précèdent la chambre du roi. La consternation de leurs visages parlait assez. Louis XVI était assis devant une table placée à l’entrée de son cabinet. Il avait les mains appuyées sur ses genoux, dans l’attitude d’un homme qui attend et qui écoute. La reine, les yeux rouges et les joues animées par l’angoisse, était assise avec Madame Élisabeth et les ministres entre la fenêtre et la table du roi ; la princesse de