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plus aguerris. Pleine de séduction pour la garde nationale, de bienveillante dignité pour les gardes-suisses, de grâce et d’abandon pour ses amis, elle fut, en passant dans les rangs des gentilshommes réunis dans la grande galerie, l’objet d’un culte chevaleresque. Les uns lui demandaient sa main à baiser, les autres la priaient de toucher seulement leurs armes ; ceux-ci jetaient leurs manteaux sous ses pieds et sous ceux du Dauphin et de Madame Royale ; ceux-là, plus familiers, élevaient l’enfant dans leurs bras au-dessus de leur tête, drapeau vivant pour lequel ils juraient de mourir !

À ces transports, la reine s’exalte elle-même ; saisissant deux pistolets à la ceinture de M. de Maillardoz, commandant des Suisses, elle les présente au roi : « Voilà l’instant de se montrer, lui dit-elle, ou de périr avec gloire au milieu de ses amis ! » Le roi remit ces pistolets à M. de Maillardoz ; il sentit que la vue de ces armes le dépopulariserait, et que sa meilleure défense aux yeux des citoyens était son inviolabilité et la loi.

Après avoir visité tous les postes de l’intérieur avec sa famille, le roi, descendu dans le vestibule du grand escalier, fit remonter la reine, Madame Élisabeth et les enfants dans leurs appartements. Il voulut achever seul la revue des forces extérieures. Il craignit que la reine, tant calomniée aux oreilles du peuple, n’eût à subir quelques outrages et peut-être quelques dangers personnels en passant devant le front des bataillons.