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ses années, comme sa fortune sous ses malheurs ; le souvenir des adorations qu’elle avait respirées dans ces mêmes salles où elle implorait en vain quelques bras pour la défendre ; ces rayons de soleil du matin pénétrant dans les appartements et ondoyant sur ses cheveux comme une couronne vacillant sur sa tête ; ces armes diverses, cette foule, ces acclamations, ces silences au milieu desquels elle s’avançait : tout imprimait à sa personne une majesté de courage, de dignité, de tristesse, qui égalait aux yeux des spectateurs la solennité de la scène et la grandeur de l’événement. C’était la Niobé de la monarchie ; c’était la statue de la royauté tombée du trône, mais sans être ni souillée ni dégradée par sa chute. Elle ne régna jamais tant que ce jour-là.


XII

Elle fut reine malgré son peuple et malgré le sort. Son aspect attendrit, dans l’intérieur, les gardes nationaux les plus indécis et fit tirer du fourreau tous les sabres. Gardes-suisses, gendarmerie, grenadiers, volontaires, gentilshommes, bourgeoisie, peuple, toutes les armes, tous les postes, toutes les salles, tous les escaliers s’émurent d’un même enthousiasme à son passage ; tous les regards, tous les gestes, toutes les paroles lui promirent mille vies pour sa vie. La pâleur des grandes émotions était répandue sur les visages. Des larmes roulaient dans les yeux des soldats les