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déguiser son nom et son attachement à la reine, au milieu des flots de peuple qui obstruaient les avenues des Tuileries, pour y pénétrer. La foule l’écartait comme une insensée. « Laissez-moi aller, s’écriait-elle, là où l’amitié et le devoir m’appellent. Les femmes n’ont-elles pas aussi leur honneur ! C’est leur cœur ! Le mien est à la reine ! Votre patriotisme est de la haïr, le mien est de mourir à ses pieds ! »


VI

Les femmes du peuple, touchées de cette démence de fidélité qui bravait la mort, repoussèrent sans insulte la duchesse de Maillé et la reconduisirent de force à son hôtel. La reine, Madame Élisabeth, toutes ces femmes, tous ces magistrats, tous ces militaires, s’asseyaient au hasard sur les banquettes ou sur les tabourets de la chambre du Conseil. Les princesses s’entretenaient fréquemment avec Rœderer. Rœderer montra dans toute cette nuit, comme au 20 juin, le caractère d’un grand citoyen. Quoique dévoué au parti de la constitution, il inspira confiance à la famille royale. Son attitude fut celle de la loi. Intrépide comme magistrat, triste comme citoyen, respectueux comme homme, son attendrissement sur les angoisses que contenait ce palais n’échappa ni à la reine, ni à sa sœur, ni au roi. Madame Élisabeth s’approchait souvent pour l’interroger avec son triste enjouement. La reine sentait en lui un conseiller austère mais loyal, le roi un dernier ami.