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sur le peuple. La confusion régnait dans les cours, dans les jardins, dans les postes. Les bataillons incomplets se plaçaient et se déplaçaient au hasard. Les ordres des chefs se croisaient et se neutralisaient. Aucune pensée militaire d’ensemble ne présidait à ces mouvements désordonnés. On se plaçait ici ou là, selon le caprice des bataillons ou l’ambition d’un officier. On changeait de place avec la même imprévoyance. Des compagnies entières se détachaient tout à coup des bataillons et s’en allaient, les armes renversées, prendre poste sur le Carrousel ou sur les quais, indécises jusqu’au dernier moment si elles se rangeraient du côté des défenseurs ou du côté des assaillants.

À chaque bataillon nouveau qui arrivait, l’esprit changeait dans la garde nationale. Les bataillons des quartiers du centre, arrivés les premiers et composés de la riche bourgeoisie de Paris, étaient animés de l’esprit de La Fayette, dont ils avaient été trois ans les prétoriens. Vainqueurs au Champ de Mars, à Vincennes et dans vingt émeutes, ils méprisaient la populace et voulaient venger la constitution et le roi des outrages du 20 juin. Les bataillons du faubourg Saint-Germain, privés de leurs officiers par l’émigration, étaient livrés aux seuls prolétaires de ce quartier ; les bataillons des faubourgs, composés d’hommes de travail et qui comptaient plus de piques que de baïonnettes dans les rangs, saturés d’insinuations contre le roi, de calomnies contre la reine, ne comprenaient rien à une constitution qui leur ordonnait de venir défendre le palais d’une cour qu’on leur enseignait tous les jours à abhorrer. Rassemblés machinalement aux sons du rappel autour du drapeau, ils entraient aux Tuileries aux cris de Vive Pétion ! et de Vive la nation ! Des cris de Vive le roi ! leur répon-