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généraux aristocrates sous lesquels on les envoyait non à la victoire, mais à la mort. Dumouriez avait reçu l’ordre perfide de lever son camp, et d’ouvrir ainsi l’accès de la capitale aux Autrichiens. Il avait patriotiquement désobéi. Des préparatifs d’attaque et de défense se faisaient secrètement au château. Les appartements intérieurs du roi étaient remplis de nobles et d’émigrés rentrés. L’état-major de la garde nationale conspirait avec la cour. Le Carrousel et le jardin des Tuileries étaient un camp, le château une forteresse prête à vomir la mitraille et l’incendie sur Paris. Le sol même du jardin des Tuileries était traité par le peuple en terre maudite, qu’il était interdit aux bons citoyens de fouler du pied. Entre la terrasse des Feuillants et ce jardin, on avait tendu pour toute barrière un ruban tricolore avec cette inscription menaçante : « Tyran, notre colère tient à un ruban, ta couronne tient à un fil. »

Les sections de Paris, ces clubs légaux, ces fragments incohérents de municipalités, centres perpétuels de délibérations anarchiques, essayèrent de prendre quelque unité pour devenir plus imposantes et plus redoutables à l’Assemblée et à la cour. Pétion organisa à l’hôtel de ville un bureau de correspondance générale entre les sections. On y rédigea en leur nom une adresse à l’armée, qui n’était qu’une provocation au massacre des généraux. « Ce n’est pas contre les Autrichiens, disaient-elles aux troupes, que La Fayette voudrait vous conduire, c’est contre nous ! C’est du sang des meilleurs citoyens qu’il voudrait arroser le pavé du château royal, afin de réjouir les yeux de cette cour insatiable et corrompue ! Mais nous la surveillons et nous sommes forts ! Au moment où les traîtres voudront livrer nos villes à l’ennemi, les traîtres auront disparu, et