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peuple, campé autour du château, qu’on lui montrait comme le foyer de la trahison, la demanderait inévitablement à ses représentants. Mais, le roi descendu du trône, relèverait-on un trône ? Et qui appellerait-on à y monter ? Serait-ce un enfant sous la tutelle du peuple ? Serait-ce le duc d’Orléans ? Le duc d’Orléans avait des familiers et peu de partisans. Si sa complicité présumée contre la cour tentait quelques hommes perdus d’honneur et de dettes, son nom, mal famé, répugnait aux amis intègres de la liberté. Naissance, fortune, conformité d’intérêts, popularité, solidarité d’opinion, dévouement à la cause populaire, le duc d’Orléans avait tous les titres pour être couronné par le peuple et pour triompher avec lui ; il ne lui en manquait qu’un : la considération publique ! Il pouvait servir et sauver son pays ; il ne pouvait pas illustrer la Révolution. C’était son tort. Robespierre et les Jacobins répugnaient à accepter son nom. Les Girondins le dédaignaient à cause de son entourage. Ils l’écartèrent d’un commun accord du programme qu’ils proposaient.

Roland, Vergniaud, Gensonné, Guadet, Barbaroux lui-même, quoique indécis et hésitants devant la république, la préféraient avec toutes ses chances d’anarchie à la domination d’un prince qui ferait succéder sur le trône l’hésitation à la faiblesse, et qui donnerait, selon eux, à une constitution jeune et saine toutes les misères de la caducité. Changement de dynastie, régence, dictature ou république, tout resta donc dans une réticence complète entre les meneurs. On s’en rapporta à l’événement, et on se contenta de le préparer sans lui demander d’avance son secret. Ce fut la marche constante des Girondins : pousser toujours sans savoir à quoi. C’est ce système de hasard qui fit de ces