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se détacher de la colonne principale, pendant qu’elle filerait vers le Louvre, entourer l’hôtel de ville, paralyser Pétion et favoriser l’arrivée de nouveaux commissaires des sections, qui viendraient déposer la municipalité, en installer une nouvelle, et donner ainsi le caractère légal au mouvement. Quatre cents hommes iraient arrêter le directoire du département. L’Arsenal, la halle aux blés, les Invalides, les hôtels des ministres, les ponts sur la Seine, seraient occupés par des postes nombreux. L’armée du peuple, divisée en trois corps, s’avancerait sur les Tuileries. Elle camperait dans le Carrousel et dans le jardin avec du canon, des vivres, des tentes ; elle s’y fortifierait par des coupures, des barricades, des redoutes de campagne ; elle intercepterait ainsi toutes les communications entre le château et ses défenseurs du dehors, s’il devait s’en présenter. La faible garde suisse des Tuileries n’essayerait pas de lutter contre une armée innombrable pourvue d’artillerie. On n’attaquerait pas les autres régiments suisses dans leurs casernes ; on se contenterait de les cerner et de leur dire d’attendre, immobiles, la manifestation de la volonté nationale. On ne pénétrerait pas de force dans le château, on bloquerait seulement la royauté dans son dernier asile ; et, à l’imitation du peuple romain quand il se retirait sur le mont Aventin, on enverrait un plébiscite à l’Assemblée pour lui signifier que le peuple, campé autour des Tuileries, ne déposerait les armes qu’après que la représentation nationale aurait pourvu aux dangers de la patrie et assuré la liberté. Aucun désordre, aucune violence, aucun pillage ne seraient impunis ; aucun sang ne coulerait. Le détrônement s’accomplirait avec ces imposantes démonstrations de force qui, en décourageant toute résistance, enlèvent le prétexte et