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XV

Le lendemain, 29 juillet, les Marseillais arrivèrent à Charenton. Barbaroux, Bourdon de l’Oise, Merlin, Santerre, allèrent à leur rencontre, accompagnés de quelques hommes d’action des Jacobins et des faubourgs. Un banquet fraternel réunit les Marseillais et les conjurés de Paris. Les mains se serrèrent, les voix se confondirent. Les chefs venaient de trouver leur armée, l’armée venait de trouver ses chefs. L’action ne pouvait tarder. Après le banquet, où l’enthousiasme qui dévorait les âmes éclata dans les notes du chant de Rouget de Lisle, les conjurés congédièrent pour quelques heures les Marseillais logés chez les principaux patriotes de Charenton. Ils se rendirent à la faveur de la nuit dans une maison isolée du village, entourée de jardins, et qui servait depuis plusieurs mois d’asile mystérieux à leurs conciliabules. Santerre, Danton, Fabre d’Églantine, Panis, Huguenin, Gonchon, Marat, Alexandre, Camille Desmoulins, Varlet, Lenfant, Barbaroux et quelques autres hommes d’exécution s’y trouvèrent. C’était dans cette maison que toutes les journées de la Révolution avaient eu leur veille. On y sonnait l’heure, on y donnait le mot d’ordre. Des délibérations intimes, mais souvent orageuses, précédaient ces résolutions. Des ruelles désertes et de larges champs cultivés par les maraîchers des faubourgs séparaient la maison des conjurés des autres habitations, en