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tions n’assassinent pas, elles immolent. L’infortuné prince le savait. « Ils ne me feront pas frapper par la main d’un scélérat, dit-il tout bas à la femme de la reine qui lui essayait le gilet plastronné. Leur plan est changé. Ils me feront mourir en plein jour et en roi. » Il nourrissait ces pressentiments de la lecture des catastrophes royales qui lui prédisaient la sienne. Le portrait de Charles Ier, par Van Dyck, était en face de lui dans son cabinet ; l’histoire de ce prince, toujours ouverte sur sa table : il l’étudiait et l’interrogeait, comme si ces pages eussent renfermé le mystère d’une destinée qu’il cherchait à comprendre pour la tromper. Mais déjà il ne se flattait plus lui-même. L’avenir lui avait dit son mot. Sauver la reine, ses enfants, sa sœur, était le dernier terme de ses espérances et le seul mobile de ses efforts. Quant à lui, son sacrifice était fait. Il le renouvelait tous les jours dans les exercices religieux qui élevaient et consolaient sa résignation. « Je ne suis pas heureux, répondit-il à un de ses confidents qui lui conseillait de jouer héroïquement son sort avec la fortune. Sans doute je pourrais tenter encore des mesures d’audace, mais elles ont des chances extrêmes ; si je puis les courir pour moi, je n’ose y exposer ma famille. La fortune m’a trop appris à me défier d’elle. Je ne veux pas fuir une seconde fois, je m’en suis trop mal trouvé. J’aime mieux la mort, elle n’a rien qui m’effraye ; je m’y attends, je m’y exerce tous les jours. Ils se contenteront de ma vie, ils épargneront celle de ma femme et de mes enfants. »