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Une armée de gardes nationales marcha avec du canon ; le château de Bannes, les gorges qui couvraient le camp, furent vaillamment défendus, héroïquement emportés. Un combat désespéré s’engagea autour du château de Jalès, cette place forte du soulèvement. Gentilshommes, paysans, prêtres, soutinrent avec intrépidité plusieurs assauts des troupes ; les femmes mêmes distribuaient les munitions, chargeaient les armes, secouraient les blessés. À la nuit, les insurgés abandonnèrent le château criblé de boulets, et dont les murs s’écroulaient sur ses défenseurs. Ils se dispersèrent dans les gorges de l’Ardèche : ils laissèrent de nombreux cadavres, quelques-uns de femmes. Le chef du mouvement, Dusaillant, ayant quitté son cheval, ses armes, et s’étant déguisé en prêtre, fut reconnu et arrêté par un vétéran. Il offrit soixante louis au soldat pour sa rançon. Le soldat refusa. Dusaillant périt massacré par le peuple en entrant dans la ville où les troupes le conduisaient pour être jugé. L’abbé de La Bastide eut le même sort. La fureur ne jugeait déjà plus, elle frappait.


IV

Ces nouvelles émurent Paris et poussèrent jusqu’au délire le patriotisme menacé. Les idées nouvelles aspiraient à avoir leurs martyrs, comme les idées anciennes avaient leurs victimes. Les impatients du règne de la liberté frémissaient des lenteurs de la crise ; ils imploraient un évé-