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XI

Camille Desmoulins et Chabot dénoncèrent aussi aux Jacobins les projets de fuite du roi, la prochaine arrivée de La Fayette. « Peuple, on vous abuse, dit à son tour Danton, jamais on ne compose avec les tyrans. Il faut que nos frères des départements jurent de ne se séparer que lorsque les traîtres seront punis par la loi ou auront passé à l’étranger. Le droit de pétition n’a pas été enseveli au Champ de Mars avec les cadavres de ceux qui y furent immolés. Qu’une pétition nationale sur le sort du pouvoir exécutif soit donc présentée au Champ de Mars par la nation souveraine ! »

Il dit, et il sortit, laissant cette motion énigmatique à la réflexion des patriotes. Sobre de paroles, impatient de menées, Danton n’aimait pas les longs discours. Il frappait un mot comme on frappe une médaille, et le lançait en circulation dans la foule. Il rencontra en sortant un groupe d’hommes alarmés qui se pressèrent autour de lui et lui demandèrent son avis sur la chose publique. « Ils sont là, dit-il en montrant d’un geste de mépris la porte des Jacobins, un tas de bavards qui délibèrent toujours ! Imbéciles que vous êtes, ajouta-t-il en s’adressant au groupe, à quoi bon tant de paroles, tant de débats sur la constitution, tant de façons avec les aristocrates et avec les tyrans ? Faites comme eux ; vous étiez dessous, mettez-vous dessus : voilà toute la révolution ! »