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portant le désordre dans nos travaux, nous rejettent sans cesse dans l’agitation tumultueuse des inquiétudes, des espérances, des passions ? Quelle destinée prépare à la France cette terrible effervescence au sein de laquelle on serait tenté de douter si la Révolution rétrograde ou si elle avance vers son terme ? Au moment où nos armées du Nord paraissent faire des progrès dans la Belgique, nous les voyons tout à coup se replier devant l’ennemi. On ramène la guerre sur notre territoire. Il ne restera de nous chez les malheureux Belges que le souvenir des incendies qui auront éclairé notre retraite. Du côté du Rhin, les Prussiens s’accumulent incessamment sur nos frontières découvertes. Comment se fait-il que ce soit précisément au moment d’une crise si décisive pour l’existence de la nation, que l’on suspende le mouvement de nos armées, et que, par une désorganisation subite du ministère, on rompe les liens de la confiance, et on livre au hasard et à des mains inexpérimentées le salut de l’empire ? Serait-il vrai qu’on redoute nos triomphes ? Est-ce du sang de l’armée de Coblentz ou du nôtre qu’on est avare ? Si le fanatisme des prêtres menace de nous livrer à la fois aux déchirements de la guerre civile et à l’invasion, quelle est donc l’intention de ceux qui font rejeter avec une invincible opiniâtreté la sanction de nos décrets ? Veulent-ils régner sur des villes abandonnées, sur des champs dévastés ? Quelle est au juste la quantité de larmes, de misères, de sang, de morts, qui suffit à leur vengeance ? Où en sommes-nous, enfin ? Et vous, messieurs, dont les ennemis de la constitution se flattent d’avoir ébranlé le courage, vous dont ils tentent chaque jour d’alarmer les consciences et la probité en qualifiant votre amour de la liberté d’esprit de faction, comme si vous aviez oublié