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dans sa physionomie, comme la lumière sur un buste, l’ensemble de sa figure prenait par l’expression l’idéal, la splendeur et la beauté qu’aucun de ses traits n’avait en détail. Il s’illuminait d’éloquence. Les muscles palpitants de ses sourcils, de ses tempes, de ses lèvres, se modelaient sur sa pensée, et confondaient sa physionomie avec la pensée même : c’était la transfiguration du génie. Le jour de Vergniaud, c’était la parole ; le piédestal de sa beauté, c’était la tribune. Quand il en était descendu, elle s’évanouissait : l’orateur n’était plus qu’un homme.


VI

Tel était l’homme qui monta le 3 juillet à la tribune de l’Assemblée nationale, et qui, dans l’attitude de la consternation et de la colère, se recueillit un moment dans ses pensées, les mains sur ses yeux, avant de parler. Le tremblement de sa voix aux premiers mots qu’il proféra, et les notes graves et grondantes de sa parole, plus profondes qu’à l’ordinaire, son geste abattu, l’énergie triste et concentrée de sa physionomie, indiquaient en lui la lutte d’une résolution désespérée, et prédisposaient l’Assemblée à une émotion grande et sinistre comme la physionomie de l’orateur. C’était de ces jours où l’on s’attend à tout.

« Quelle est donc, murmura Vergniaud, l’étrange situation où se trouve l’Assemblée nationale ? quelle fatalité nous poursuit et signale chaque journée par des événements qui,