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de fanatisme républicain, de haine contre le roi, ne se révèle dans l’intimité des sentiments de Vergniaud. Il parle de la reine avec attendrissement, de Louis XVI avec pitié. « La conduite équivoque du roi, écrit-il vers cette époque, accumule nos dangers et les siens. On m’assure qu’il vient aujourd’hui à l’Assemblée. S’il ne se prononce pas d’une manière décisive, il se prépare quelque grande catastrophe. Il a bien des efforts à faire pour précipiter dans l’oubli tant de fausses démarches que l’on regarde comme des trahisons. » Et plus loin, retombant de sa pitié pour le roi à sa propre situation domestique : « Je n’ai point d’argent, écrit-il ; mes anciens créanciers de Paris me recherchent, je les paye un peu chaque mois ; les loyers sont chers ; il m’est impossible de payer le tout. » Ce jeune homme, dont le geste écrasait un trône, avait à peine où reposer sa tête dans l’empire qu’il allait ébranler.


IV

Élevé au collège des Jésuites par la bienfaisance de Turgot, alors intendant du Limousin, Vergniaud, après ses études, était entré au séminaire. Il allait se vouer par piété au sacerdoce. Il recula au dernier pas ; il revint dans sa famille. Solitaire et triste, son imagination se répandit d’abord en poésie avant d’éclater en éloquence. Il jouait avec son génie sans le connaître. Quelquefois il s’enfermait dans sa chambre, se feignait à lui-même un peuple pour