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dins parut un moment amortie. Ils ne rivalisaient plus que d’insultes à la cour et de menaces contre La Fayette. L’explosion du 20 juin n’avait pas éteint ce foyer de haine. L’inaction des armées, les périls croissants sur nos frontières, l’attitude équivoque de La Fayette, la retraite de Luckner, que l’on croyait son complice, le rapprochement des troupes de Paris, fomentaient la colère et les alarmes des patriotes. Robespierre continuait à se tenir à l’écart des mouvements, ne se compromettait avec aucun des partis, et s’absorbait dans les considérations générales de la chose publique. Observer, éclairer et dénoncer tous ses périls au peuple, était le seul rôle qu’il affectât alors. Sa popularité était grande, mais froide et raisonnée comme ce rôle.

Les murmures des impatients interrompaient souvent ses longues harangues à la tribune des Jacobins. Il dévorait dans une impassible attitude de cruelles humiliations. Son instinct, sûr de la mobilité de l’opinion, semblait révéler d’avance à Robespierre que, dans ce conflit de mouvements contraires et désordonnés, l’empire resterait au plus immuable et au plus patient. Danton fit aux Cordeliers et aux Jacobins des motions terribles, et sembla chercher sa force dans le scandale même de ses violences contre la cour. Il masquait ainsi ses intelligences avec le château. « Je prends, s’écria-t-il, je prends l’engagement de porter la terreur dans une cour perverse ! Elle ne déploie tant d’audace que parce que nous avons été trop timides. La maison d’Autriche a toujours fait le malheur de la France. Demandez une loi qui force le roi à répudier sa femme et à la renvoyer à Vienne avec tous les égards, les ménagements et la sûreté qui lui sont dus ! » C’était sauver la reine par la haine même qu’on lui portait.