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secret que la témérité sans force de cet acte n’excitât contre la cour un nouveau soulèvement. La Fayette, dans cette circonstance, compromit plus que sa vie, il compromit sa popularité ; mais la reine, dès cette époque, cherchait son salut plus bas : elle avait trouvé dans les factieux subalternes d’autres Mirabeau prêts à transiger avec la monarchie ou à se laisser acheter par la cour. L’or de la liste civile coulait dans les clubs et dans les faubourgs. Danton dirigeait d’une main les jeunes gens et le club des Cordeliers, de l’autre les trames secrètes de la cour. Il faisait assez peur à l’une pour qu’elle achetât sa connivence ; il lâchait assez la bride aux autres pour qu’ils se confiassent à sa démagogie ; il les trahissait tous les deux et se complaisait dans cette double puissance qu’il devait à sa double immoralité. De là ce propos terrible de Danton, correspondant à cette alternative de la situation : « Je sauverai le roi ou je le tuerai. »

La reine fit avertir Danton, dans la nuit, que La Fayette se proposait de passer le lendemain, à côté du roi, une revue des bataillons de la garde nationale commandés par Acloque, de les haranguer et de les provoquer à une réaction contre la Gironde et les clubs. Pétion, informé par Danton, contremanda avant le jour la revue projetée. La Fayette passa la nuit dans son hôtel, sous la protection d’un détachement d’honneur de gardes nationaux. Il repartit tristement le lendemain pour retourner à son armée. Cependant il ne se découragea pas de son dessein d’intimider les Jacobins et de raffermir le trône constitutionnel. Ce qu’il n’avait pu faire par sa présence à Paris, il essaya de le faire par correspondance. Il adressa en repartant une lettre pleine de salutaires conseils et de courageuses leçons