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cobins et la Gironde, et pour raffermir la constitution. Luckner reçut cette communication avec effroi, mais il n’opposa pas son autorité de général en chef aux intentions de La Fayette. Militaire sans tact, il ne comprit pas qu’en donnant un assentiment tacite à la demande de son lieutenant il devenait le complice de La Fayette. « Les sans-culottes, dit-il à Bureau de Puzy, couperont la tête à La Fayette. Qu’il y prenne garde, c’est son affaire. »

La Fayette, parti de son camp avec un seul officier de confiance, arriva inopinément à Paris, descendit chez son ami M. de La Rochefoucauld, et se rendit le lendemain à la barre de l’Assemblée. La Rochefoucauld, pendant la nuit, avait averti les constitutionnels, les principaux chefs de la garde nationale, et préparé des manifestations dans les tribunes. L’entrée de La Fayette dans l’Assemblée fut saluée par quelques salves d’applaudissements. Les murmures d’étonnement et d’indignation des Girondins leur répondirent. Le général, accoutumé aux tumultes de la place publique, opposa un front calme à l’attitude de ses ennemis. Placé par la témérité de sa démarche entre la haute cour nationale d’Orléans et le triomphe, cette heure était la crise de son pouvoir et de sa vie. Homme plus intrépide de cœur que prompt aux coups de main, il ne pâlit pas.

« Messieurs, dit-il, je dois d’abord vous donner l’assurance que mon armée ne court aucun danger par ma présence ici. On m’a reproché d’avoir écrit ma lettre du 16 juin au milieu de mon camp ; il était de mon devoir de protester contre cette imputation de timidité, de sortir de cet honorable rempart que l’affection des troupes formait autour de moi, et de me présenter seul. Un motif plus puis-