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tremper l’énergie des faubourgs, et d’être l’avant-garde de ce camp de vingt mille hommes que les Girondins avaient fait voter à l’Assemblée pour dominer à la fois les Feuillants, les Jacobins, le roi et l’Assemblée elle-même, avec une armée des départements toute composée de leurs créatures.

La mer du peuple bouillonnait à leur approche. Les gardes nationales, les fédérés, les sociétés populaires, les enfants, les femmes, toute cette partie des populations qui vit des émotions de la rue et qui court à tous les spectacles publics, volaient à la rencontre des Marseillais. Leurs figures hâlées, leurs physionomies martiales, leurs yeux de feu, leurs uniformes couverts de la poussière des routes, leur coiffure phrygienne, leurs armes bizarres, les canons qu’ils traînaient à leur suite, les branches de verdure dont ils ombrageaient leurs bonnets rouges, leurs langages étrangers mêlés de jurements et accentués de gestes féroces, tout cela frappait vivement l’imagination de la multitude. L’idée révolutionnaire semblait s’être faite homme et marcher, sous la figure de cette horde, à l’assaut des derniers débris de la royauté. Ils entraient dans les villes et dans les villages sous des arcs de triomphe. Ils chantaient en marchant des strophes terribles. Ces couplets, alternés par le bruit régulier de leurs pas sur les routes et par le son des tambours, ressemblaient aux chœurs de la patrie et de la guerre, répondant, à intervalles égaux, au cliquetis des armes et aux instruments de mort dans une marche aux combats. Voici ce chant, gravé dans l’âme de la France.