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coalition, les libelles scandaleux, infâmes, semés contre elle depuis quatre ans, faisaient de cette malheureuse princesse la victime émissaire de l’opinion égarée. Les femmes la méprisaient comme épouse coupable, les patriotes l’abhorraient comme conspiratrice, les hommes politiques la craignaient comme conseillère du roi. Le nom de l’Autrichienne, que le peuple lui donnait, résumait contre elle tous ces griefs. Elle était l’impopularité de ce trône dont elle devait être la grâce et le pardon.

Marie-Antoinette connaissait cette animosité du peuple contre sa personne. Elle savait que sa présence à côté du roi serait une provocation à l’assassinat. C’est ce motif qui l’avait retenue, seule avec ses enfants, dans la chambre du Lit. Le roi espérait qu’elle y était oubliée ; mais c’était la reine surtout que les femmes de l’attroupement cherchaient et qu’elles appelaient à grands cris des noms les plus outrageants pour une femme, pour une épouse et pour une reine.

À peine le roi était-il enfermé par les masses du peuple dans l’Œil-de-Bœuf, que déjà les portes de la chambre à coucher étaient assiégées des mêmes hurlements et des mêmes coups. Mais cette partie de l’attroupement était surtout composée de femmes. Leurs bras, plus faibles, se déchiraient contre les panneaux de chêne et contre les gonds. Elles appelèrent à leur aide les hommes qui avaient porté la pièce de canon à bras jusque dans la salle des Gardes. Ces hommes accoururent. La reine, debout, pressant ses deux enfants contre son corps, écoutait dans une mortelle anxiété ces vociférations à sa porte. Elle n’avait auprès d’elle que M. de Lajard, ministre de la guerre, seul, impuissant, mais dévoué ; quelques dames de sa mai-