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taient point d’uniforme ; ils cachaient leurs armes sous leurs habits : de là le nom de chevaliers du poignard, sous lequel on les signala à la haine du peuple. Venus secrètement de leurs provinces pour offrir leur dévouement désespéré à leur malheureux maître, inconnus les uns aux autres, munis seulement d’une carte d’entrée au palais, ils accouraient les jours du péril. Ils devaient être dix mille, ils n’étaient que deux cents : c’était la réserve de la fidélité. Ils faisaient leur devoir sans se compter ; ils vengeaient la noblesse française des fautes et des abandons de l’émigration.


XVII

L’attroupement, en sortant de l’Assemblée, avait marché en colonne serrée vers le Carrousel. Santerre et Alexandre, à la tête de leurs bataillons, lui imprimaient le mouvement. Une masse compacte d’insurgés suivaient par la rue Saint-Honoré. Les autres tronçons du rassemblement, disjoints et coupés du corps principal, encombraient les cours du Manége et des Feuillants, et cherchaient à se faire jour en débouchant violemment par une des issues qui communiquent de ces cours avec le jardin. Un bataillon de garde nationale défendait l’accès de cette grille. La faiblesse ou la complaisance d’un officier municipal livre le passage ; le bataillon se replie et prend position sous les fenêtres du château. La foule traverse obliquement le jardin ; en passant devant les bataillons, elle les salue du cri de : « Vive