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gence. Des détachements d’invalides, de gendarmes, des gardes nationaux, des volontaires, y recevaient les ordres de Santerre et les répétaient à la foule. Une discipline instinctive présidait au désordre. L’aspect à la fois populaire et militaire de ce camp du peuple donnait au rassemblement le caractère d’une expédition plutôt que celui d’une émeute. Cette foule reconnaissait ses chefs, manœuvrait à leurs commandements, suivait ses drapeaux, obéissait à leur voix, suspendait même son impatience pour attendre les renforts et pour donner aux pelotons isolés l’apparence et l’ensemble de mouvements simultanés. Santerre à cheval, entouré d’un état-major d’hommes des faubourgs, donnait ses ordres, fraternisait avec les citoyens, tendait la main aux insurgés, recommandait le silence, la dignité au peuple, et formait lentement ses colonnes de marche.


X

À onze heures le peuple se mit en mouvement vers le quartier des Tuileries. On évaluait à vingt mille le nombre des hommes qui partirent de la place de la Bastille. Ils étaient divisés en trois corps : le premier, composé de bataillons des faubourgs, armés de baïonnettes et de sabres, obéissait à Santerre ; le second, formé d’hommes du peuple, sans armes ou armés de piques et de bâtons, marchait sous les ordres du démagogue Saint-Huruge ; le troisième, horde, pêle-mêle confus d’hommes en haillons, de femmes et d’en-