Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vraiment vertueux, et qu’il faille trop s’abaisser pour la recueillir et trop faiblir pour la conserver. Pétion n’était le roi du peuple qu’à la condition d’être le complaisant de ses excès. Ses fonctions de maire de Paris, dans un temps de trouble, le plaçaient sans cesse entre le roi, l’Assemblée et l’émeute. Il affrontait le roi, il flattait l’Assemblée, il modérait le crime. Inviolable comme la capitale qu’il personnifiait dans son titre de premier magistrat de la commune, sa dictature invisible n’avait d’autre titre que son inviolabilité ; il en usait avec une respectueuse audace envers le roi, il l’inclinait devant l’Assemblée, il la prosternait devant les séditieux. À ses reproches officiels à l’émeute il joignait toujours une excuse au crime, un sourire aux coupables, un encouragement aux citoyens égarés. Le peuple l’aimait comme l’anarchie aime la faiblesse ; il savait qu’il pouvait tout faire avec cet homme. Comme maire, il avait la loi à la main ; comme homme, il avait l’indulgence sur les lèvres et la connivence dans le cœur : c’était le magistrat qu’il fallait au temps des coups d’État des faubourgs. Pétion les laisserait préparer sans les voir, et les légaliserait quand ils seraient accomplis.


II

Ses liaisons d’enfance avec Brissot l’avaient rapproché de madame Roland. Le ministère de Roland, de Clavière et de Servan lui obéissait plus qu’au roi lui-même ; il était