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des révolutions, que les clubs et le jacobinisme fomentaient dans les corps. Une armée qui discute est comme une main qui voudrait penser.

La Fayette, au lieu de marcher dès le premier moment sur Namur, conformément au plan de Dumouriez, perdit un temps précieux à rassembler et à organiser son armée à Givet et au camp de Ransenne. Au lieu de donner aux autres généraux en ligne avec lui l’exemple et le signal de l’invasion et de la victoire en occupant Namur, il tâtonna le pays avec dix mille hommes, laissant le reste de ses forces cantonné en France, et il se replia à la première annonce des échecs subis par les détachements de Biron et de Théobald Dillon. Ces échecs furent honteux pour nos troupes, mais partiels et passagers. C’était l’étonnement d’une armée désaccoutumée de la guerre, qui s’effrayait d’entrer en lice avec toute l’Europe, mais qui, comme un soldat de première campagne, ne tarde pas à s’aguerrir.

Le duc de Lauzun commandait sous La Fayette ; on l’appelait le général Biron. C’était un homme de cour passé sincèrement au parti du peuple. Jeune, beau, chevaleresque, doué de cette gaieté intrépide qui joue avec la mort, il portait l’honneur aristocratique dans les rangs républicains. Aimé des soldats, adoré des femmes, familier dans les camps, roué dans les cours, il était de cette école des vices éclatants dont le maréchal de Richelieu avait été le type en France. Ami du duc d’Orléans, compagnon de ses débauches, il n’avait néanmoins jamais conspiré avec lui. Toute perfidie lui était odieuse, toute bassesse de cœur l’indignait. Il adoptait la Révolution comme une noble idée dont il voulait bien être le soldat, jamais le complice. Il ne trahit pas le roi, il conserva toujours un culte de pitié et