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rangues brèves, quelques éclats de foudre mystérieux, et surtout sa chevelure semblable à une crinière, son geste gigantesque, sa voix tonnante, le firent remarquer. Mais sous les qualités purement physiques de l’orateur, des hommes d’élite remarquèrent un profond bon sens et une connaissance instinctive du cœur humain. Sous l’agitateur ils pressentirent l’homme d’État. Danton, en effet, lisait l’histoire, étudiait les orateurs antiques, s’exerçait à la véritable éloquence, celle qui éclaire en passionnant, et préméditait un rôle bien au-dessus de son rôle actuel. Il ne demandait au mouvement que de le soulever assez pour qu’il pût le dominer ensuite.

Il épousa mademoiselle Charpentier, fille d’un limonadier du quai de l’École. Cette jeune femme prit de l’empire sur lui par sa tendresse, et le ramena insensiblement des désordres de sa jeunesse à des habitudes domestiques plus régulières. Elle éteignit la fougue de ses passions, mais sans pouvoir éteindre celle qui survivait à toutes les autres : l’ambition d’une grande destinée. Danton, retiré dans un petit appartement de la cour du Commerce, auprès de l’appartement de son beau-père, vécut dans une studieuse médiocrité, ne recevant qu’un petit nombre d’amis, admirateurs de son talent et attachés à sa fortune. Les plus assidus étaient Camille Desmoulins, Pétion et Brune. De ces conciliabules partaient les signaux des grandes séditions. Les subsides secrets de la cour y vinrent tenter la cupidité du chef de la jeunesse révolutionnaire. Il ne les repoussa pas, et s’en servit tout à la fois pour exciter et pour modérer les agitations de l’opinion.

Il eut de ce premier mariage deux fils, que sa mort laissa orphelins au berceau et qui recueillirent son modique héri-