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rant par sa parole ; Mercier, prenant tout en plaisanterie, même le cachot et la mort.


IX

Mais de ces hommes que la passion de la Révolution réunissait autour d’elle, celui que madame Roland préférait à tous c’était Buzot. Plus attaché à cette jeune femme qu’à son parti, Buzot était pour elle un ami, les autres n’étaient que des instruments ou des complices : elle avait promptement jugé Barbaroux. Ce jugement même, empreint d’une certaine amertume, était comme un repentir de la faveur secrète que l’extérieur de ce jeune homme lui avait d’abord inspirée. Elle s’accuse de le trouver si beau, et semble prémunir son cœur contre l’entraînement de ses regards. « Barbaroux est léger, dit-elle ; les adorations que des femmes sans mœurs lui prodiguent nuisent au sérieux de ses sentiments. Quand je vois ces beaux jeunes hommes trop enivrés de l’impression qu’ils produisent, comme Barbaroux et Hérault de Séchelles, je ne puis m’empêcher de penser qu’ils s’adorent trop eux-mêmes pour adorer assez la patrie. »

Si on peut soulever le voile du cœur de cette femme vertueuse, qui ne le soulevait pas elle-même, de peur d’y découvrir un sentiment contraire à ses devoirs, on reste convaincu que son penchant instinctif avait été un instant pour Barbaroux, mais que sa tendresse réfléchie était pour Buzot.