Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

larmes il entrevoyait ses fautes, son expiation et son échafaud.


VI

Après l’élection de Mirabeau et les agitations qui la suivirent, Barbaroux fut nommé secrétaire de la municipalité de Marseille. Aux troubles d’Avignon, il prit les armes et marcha à la tête des jeunes Marseillais contre les dominateurs du Comtat. Sa figure martiale, son geste, son élan, sa voix, le faisaient chef partout ; il entraînait. Député à Paris pour rendre compte des événements du Midi à l’Assemblée nationale, les Girondins, Vergniaud, Guadet, qui voulaient jeter l’amnistie sur les crimes d’Avignon, enveloppèrent ce jeune homme pour se l’attacher. Barbaroux, fougueux comme son âge, ne justifiait pas les bourreaux d’Avignon, mais il détestait les victimes : c’était l’homme qu’il fallait aux Girondins. Frappés de son éloquence et de son enthousiasme, ils le présentèrent à madame Roland. Nulle femme n’était plus faite pour séduire, nul homme n’était plus propre à être séduit. Madame Roland, dans tout l’éclat de sa beauté et aussi dans toute l’émotion de sensibilité que la pureté de sa vie ne pouvait étouffer dans son cœur vide, parle de Barbaroux avec un accent attendri. « J’ai lu, dit-elle, dans le cabinet de mon mari des lettres de Barbaroux pleines d’une raison et d’une sagesse prématurées. Quand je le vis, je fus étonnée de sa jeu-