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comprimant la garde nationale, et rappelant cette armée du parlement aux ordres de Cromwell, qui avait mené Charles Ier à l’échafaud.

L’Assemblée, à l’exception du parti constitutionnel, saisit cette idée comme la haine saisit l’arme qui lui est offerte. Le roi sentit le coup. Dumouriez comprit la perfidie. Il ne put contenir sa colère contre Servan dans le conseil. Ses reproches furent ceux d’un loyal défenseur de son roi. Les réponses de Servan furent évasives, mais provoquantes. Les deux ministres mirent la main sur leur épée, et, sans la présence du roi et l’intervention de leurs collègues, le sang aurait coulé dans le conseil.

Le roi voulait refuser la sanction au décret des vingt mille hommes. « Il est trop tard, dit Dumouriez ; votre refus trahirait des craintes trop fondées, mais qu’il faut se garder de montrer à vos ennemis. Sanctionnez le décret, je me chargerai de neutraliser le danger de ce rassemblement. » Le roi demanda du temps pour réfléchir.

Les Girondins sommèrent le lendemain le roi de sanctionner le décret sur les prêtres non assermentés. Ils rencontrèrent la conscience religieuse de Louis XVI. Appuyé sur sa foi, ce prince déclara qu’il mourrait plutôt que de signer la persécution de son Église. Dumouriez insista autant que les Girondins pour obtenir cette sanction. Le roi fut inflexible. En vain Dumouriez lui représenta qu’en se refusant à des mesures légales contre le clergé non assermenté, il exposait les prêtres au massacre et se rendait ainsi responsable du sang qui serait répandu. En vain il lui représenta que ce refus de sanction dépopulariserait le ministère et lui enlèverait ainsi toute espérance de sauver la monarchie. En vain il s’adressa à la reine et la conjura par