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leurs biens, leur patrie, leurs familles, et d’aller se jeter sur la terre étrangère autour du drapeau blanc, pour y faire le métier de simples soldats et pour y affronter l’exil éternel, la spoliation prononcée contre eux par les lois de leur pays, les fatigues des camps ou la mort sur les champs de bataille. Si le dévouement des patriotes à la Révolution était sublime comme l’espérance, le dévouement de la noblesse émigrée était généreux comme le désespoir. Dans les guerres civiles, il faut juger chacun des partis avec ses propres idées. Les guerres civiles sont presque toujours l’expression de deux devoirs en opposition l’un contre l’autre. Le devoir des patriotes, c’était la patrie. Le devoir des émigrés, c’était le trône. L’un des deux partis pouvait se tromper de devoir, mais tous les deux croyaient l’accomplir.


XIII

L’émigration se composait de deux partis bien distincts : les politiques et les combattants. Les politiques, qui se pressaient autour du comte de Provence et du comte d’Artois, se répandaient en imprécations sans périls contre les vérités de la philosophie et contre les principes de la démocratie ; ils écrivaient des livres et des journaux où la Révolution française était représentée aux yeux des souverains étrangers comme une conspiration infernale de quelques scélérats contre les rois et contre Dieu lui-même ; ils for-