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venaient pas à ses habitudes, encore moins à sa situation. En devenant général, La Fayette était resté chef de parti ; en faisant face à l’étranger, il regardait toujours vers l’intérieur. Il lui fallait de la gloire sans doute pour nourrir son influence et pour reconquérir ce rôle d’arbitre de la Révolution qui commençait à lui échapper ; mais, avant tout, il fallait qu’il ne se compromît pas. Une défaite l’aurait perdu. Il le savait. Qui ne risque pas de défaite n’obtiendra jamais de victoire. C’était le général de la temporisation. Or, perdre le temps de la Révolution, c’était perdre toute sa force. La force des masses indisciplinées est dans leur impétuosité ; qui les ralentit les perd.

Dumouriez, impétueux comme l’irruption, était pénétré par instinct de cette vérité. Il s’efforça, dans les conférences qui précédèrent la nomination des généraux, de la faire passer dans l’âme de La Fayette. Il le plaçait à la tête du principal corps d’armée qui devait pénétrer en Belgique, comme le général le plus propre à fomenter les insurrections populaires et à changer dans les provinces belges la guerre en révolution. Soulever la Belgique en faveur de la liberté française, rendre son indépendance solidaire de la nôtre, c’était l’arracher à l’Autriche et la tourner contre nos ennemis.

Les Belges, dans le plan de Dumouriez, devaient nous conquérir la Belgique ; les ferments de l’insurrection étaient mal étouffés dans ces provinces. Le pas des premiers soldats français devait les remuer et les ranimer.