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comme par la main de la fatalité, à venir lui-même la proposer à son peuple. « Le peuple, lui dit-il, croira à votre attachement le jour où il vous verra embrasser sa cause et combattre les rois pour la défendre. »

Le roi, entouré de tous les ministres, parut inopinément à l’Assemblée le 20 avril, à l’issue du conseil. Un redoutable silence se fit dans la salle. On pressentait que le mot décisif allait être prononcé. Il le fut. Après la lecture d’un rapport complet sur les négociations avec la maison d’Autriche, par Dumouriez, le roi ajouta d’une voix concentrée, mais ferme : « Vous venez d’entendre le rapport qui a été fait à mon conseil. Les conclusions en ont été unanimement adoptées. Moi-même j’ai adopté la résolution. J’ai épuisé tous les moyens de maintenir la paix. Maintenant je viens, aux termes de la constitution, vous proposer formellement la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohême. »

Le roi sortit, après ces paroles, au milieu des cris et des gestes d’enthousiasme qui éclatèrent dans la salle et dans les tribunes. Le peuple s’y associa sur son passage ; la France se sentait sûre d’elle-même en attaquant la première l’Europe conjurée contre elle. Il semblait aux bons citoyens que tous les troubles intérieurs allaient cesser devant cette grande action extérieure d’un peuple qui défend ses frontières, que le procès de la liberté allait se juger en quelques heures sur le champ de bataille, et que la constitution n’avait besoin que d’une victoire pour que la nation fût désormais libre au dedans et triomphante au dehors. Le roi lui-même rentra dans son palais soulagé du poids cruel de ses irrésolutions. La guerre contre ses alliés et contre ses frères avait coûté bien des angoisses à son cœur. Ce sacrifice de ses sentiments fait à la constitution lui