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ces rhéteurs la popularité dont il avait besoin contre eux, c’était une manœuvre de génie ; il la tenta, et elle réussit. C’est de cette époque en effet que date sa liaison avec Camille Desmoulins et Danton.

Danton et Dumouriez devaient s’entendre par la ressemblance de leurs vices autant que par la ressemblance de leurs qualités. Danton, comme Dumouriez, ne voulut de la Révolution que l’action. Peu lui importaient les principes ; ce qui souriait à son énergie et à son ambition, c’était ce mouvement tumultueux des choses qui précipitait et qui élevait les hommes, du trône au néant, et du néant à la fortune et au pouvoir. L’ivresse de l’action était pour Danton comme pour Dumouriez un besoin continuel de leur nature ; la Révolution était pour eux un champ de bataille dont le vertige les charmait et les grandissait.

Mais toute autre révolution leur eût également convenu : despotisme ou liberté, roi ou peuple. Il y a des hommes dont l’atmosphère est le tourbillon des événements. Ils ne respirent à l’aise que dans l’air agité. De plus, si Dumouriez avait les vices ou les légèretés des cours, Danton avait les vices et la licence de cœur de la foule. Ces vices, bien que si différents de forme, sont les mêmes au fond ; ils se comprennent, ils sont un point de contact entre les faiblesses des grands et les corruptions des petits. Dumouriez comprit du premier coup d’œil Danton, et Danton se laissa approcher et apprivoiser par Dumouriez. Leurs relations, souvent suspectes de concussion d’une part et de vénalité de l’autre, subsistèrent secrètement ou publiquement jusqu’à l’exil de Dumouriez et jusqu’à la mort de Danton. Camille Desmoulins, ami de Danton et de Robespierre, se passionna aussi pour Dumouriez, et vulgarisa son nom dans ses pamphlets.