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portaient jusqu’à un certain point la responsabilité de ces trois ministres. Les Jacobins commençaient à leur demander compte des actes d’un ministère qui était dans leurs mains et qui portait leur nom. Dumouriez, placé entre le roi et les Girondins, voyait de jour en jour s’accumuler contre lui les ombrages de ses collègues ; sa probité ne leur était pas moins suspecte que son patriotisme. Il avait profité de sa popularité et de son ascendant sur les Jacobins pour demander à l’Assemblée une somme de six millions de fonds secrets à son avénement au ministère. La destination apparente de ces fonds était de corrompre les cabinets étrangers, de détacher de la coalition des puissances vénales, et de fomenter des germes révolutionnaires en Belgique. Dumouriez seul savait par quels canaux s’écoulaient ces millions. Sa fortune personnelle obérée, ses goûts dispendieux, son attachement à une femme séduisante, madame de Beauvert, sœur de Rivarol ; ses intimités avec des hommes sans principes et sans mœurs, des bruits de concussion semés autour de son ministère et retombant sinon sur lui, du moins sur ses affidés, ternissaient son caractère aux yeux de madame Roland et de son mari. La probité est la vertu des démocrates ; car le peuple regarde avant tout aux mains de ceux qui le gouvernent. Les Girondins, hommes antiques, craignaient l’ombre d’un soupçon de cette nature sur leur caractère ; la légèreté de Dumouriez sur ce point les offensait. Ils murmurèrent. Gensonné et Brissot lui firent des insinuations sur ce sujet chez Roland. Roland lui-même s’autorisa de son âge et de l’austérité de ses principes pour rappeler à Dumouriez ce qu’un homme public devait de respect à la décence et d’exemples aux mœurs révolutionnaires. L’homme de guerre tourna la remontrance en plai-