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et ce signe, le voilà. (Il montre sa cocarde.) En déposant le bonnet rouge, les citoyens qui l’avaient pris par un louable patriotisme ne perdront rien. Les amis de la Révolution continueront à se reconnaître au signe de la raison et de la vertu ! Ces emblèmes seuls sont à nous, tous les autres peuvent être imités par les aristocrates et par les traîtres ! Je vous rappelle au nom de la France à l’étendard qui seul impose à ses ennemis ! Ne conservons que la cocarde et le drapeau sous lequel est née la constitution. »

Le bonnet rouge disparut dans la salle. Mais la voix même de Robespierre et la résolution des Jacobins ne purent arrêter l’élan qui avait porté ce signe de l’égalité vengeresse sur toutes les têtes. Le soir même où il était répudié aux Jacobins, on l’inaugurait sur les théâtres. Le buste de Voltaire, destructeur des préjugés, fut coiffé du bonnet phrygien, aux applaudissements des spectateurs. Le bonnet rouge et la pique devinrent l’un l’uniforme, l’autre l’arme du soldat citoyen. Les Girondins, qui répugnèrent à ce signe tant qu’il leur parut la livrée de Robespierre, commencèrent à l’excuser dès que Robespierre l’eut repoussé. Brissot lui-même, en rendant compte de cette séance, donne un regret à ce symbole, parce que, adopté, dit-il, par la partie la plus indigente du peuple, il devenait l’humiliation de la richesse et l’effroi de l’aristocratie. » La division de ces deux hommes s’élargissait tous les jours, et il n’y avait assez de place ni aux Jacobins, ni à l’Assemblée, ni au pouvoir, pour ces deux ambitions qui se disputaient la dictature de l’opinion.

La nomination des ministres faite tout entière sous l’influence des Girondins, les conseils tenus chez madame Roland, la présence de Brissot, de Guadet, de Vergniaud,