Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui stationne et qui épie jusqu’à mes larmes, me hue quand j’y parais. Hier, pour respirer, je me suis montrée à la fenêtre du côté de la cour, un canonnier de garde m’a apostrophée d’une injure infâme… « Que j’aurais de plaisir, a-t-il ajouté, à voir ta tête au bout de ma baïonnette !… » Dans cet affreux jardin on voit, d’un côté, un homme monté sur une chaise, vociférant les injures les plus odieuses contre nous et menaçant du geste les habitants du palais ; de l’autre côté, un militaire ou un prêtre que la foule ameutée traîne au bassin en les accablant de coups et d’outrages. Pendant ce temps-là et à deux pas de ces scènes sinistres, d’autres jouent au ballon et se promènent tranquillement dans les allées. Quel séjour ! quelle vie ! quel peuple ! » Dumouriez ne pouvait que gémir avec la famille royale et conseiller la patience. Mais la patience des victimes est plus tôt lasse que la cruauté des bourreaux. Pouvait-on de bonne foi demander qu’une princesse courageuse, fière, nourrie de l’adoration de sa cour et du monde, aimât dans la Révolution l’instrument de ses humiliations et de ses supplices, et vît dans ce peuple indifférent ou cruel une nation digne de l’empire et de la liberté ?


XIV

Ses mesures prises avec la cour, Dumouriez n’hésita pas à franchir tout l’espace qui séparait le roi du parti extrême et à jeter le gouvernement en plein patriotisme. Il fit les