Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/433

Cette page a été validée par deux contributeurs.
431
POÉTIQUES.

Comme des flots mouvants d’une mer en furie,
Leur forme insaisissable à chaque instant varie :
Où des fleuves coulaient, où mugissaient des mers,
Des sommets escarpés s’élancent dans les airs ;
Soudain dans les vallons les montagnes descendent,
Sur leurs flancs décharnés des champs féconds s’étendent,
Qui, changés aussitôt en immenses déserts,
S’abîment à grand bruit dans des gouffres ouverts.
Des cités, des palais et des temples superbes
S’élèvent, et soudain sont cachés sous les herbes ;
Tout change, et les cités, et les monts, et les eaux,
S’y déroulent sans terme en horizons nouveaux :
Tel roulait le chaos dans les déserts du vide,
Lorsque Dieu, séparant la terre du fluide,
De la confusion des éléments divers
Son regard créateur vit sortir l’univers.

C’est là qu’Ithuriel, sur son aile brillante,
Du héros endormi portait l’âme tremblante.
À peine il a touché ces bords mystérieux,
L’ombre de l’avenir éclôt devant ses yeux :
L’ange l’y précipite ; et son âme étonnée
Parcourt en un clin d’œil l’immense destinée.