Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/352

Cette page a été validée par deux contributeurs.
350
MÉDITATIONS


Mais le temps ? — Il n’est plus. — Mais la gloire ? — Hé ! qu’importe
Cet écho d’un vain son qu’un siècle à l’autre apporte,
Ce nom, brillant jouet de la postérité ?
Vous qui de l’avenir lui promettez l’empire,
Écoutez cet accord que va rendre ma lyre…

Les vents déjà l’ont emporté !


Ah ! donnez à la mort un espoir moins frivole.
Hé quoi ! le souvenir de ce son qui s’envole
Autour d’un vain tombeau retentirait toujours ?
Ce souffle d’un mourant, quoi ! c’est là de la gloire !
Mais vous qui promettez les temps à sa mémoire,

Mortels, possédez-vous deux jours ?


J’en atteste les dieux ! depuis que je respire,
Mes lèvres n’ont jamais prononcé sans sourire
Ce grand nom inventé par le délire humain ;
Plus j’ai pressé ce mot, plus je l’ai trouvé vide,
Et je l’ai rejeté, comme une écorce aride

Que nos lèvres pressent en vain.


Dans le stérile espoir d’une gloire incertaine,
L’homme livre en passant, au courant qui l’entraîne,
Un nom de jour en jour dans sa course affaibli :
De ce brillant débris le flot du temps se joue ;
De siècle en siècle il flotte, il avance, il échoue

Dans les abîmes de l’oubli.


Je jette un nom de plus à ces flots sans rivage :
Au gré des vents, du ciel, qu’il s’abîme ou surnage,
En serai-je plus grand ? Pourquoi ? ce n’est qu’un nom.
Le cygne qui s’envole aux voûtes éternelles,
Amis, s’informe-t-il si l’ombre de ses ailes

Flotte encor sur un vil gazon ?