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MÉDITATIONS

Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance,
Mesurent d’eux à lui l’éternelle distance,
Tendant par la nature à l’être qui les fit :
Il est leur fin à tous, et lui seul se suffit !
Voilà, voilà le Dieu que tout esprit adore,
Qu’Abraham a servi, que rêvait Pythagore,
Que Socrate annonçait, qu’entrevoyait Platon ;
Ce Dieu que l’univers révèle à la raison,
Que la justice attend, que l’infortune espère,
Et que le Christ enfin vint montrer à la terre !
Ce n’est plus là ce Dieu par l’homme fabriqué,
Ce Dieu par l’imposture à l’erreur expliqué,
Ce Dieu défiguré par la main des faux prêtres,
Qu’adoraient en tremblant nos crédules ancêtres :
Il est seul, il est un, il est juste, il est bon ;
La terre voit son œuvre, et le ciel sait son nom !

Heureux qui le connaît ! plus heureux qui l’adore !
Qui, tandis que le monde ou l’outrage ou l’ignore,
Seul, aux rayons pieux des lampes de la nuit,
S’élève au sanctuaire où la foi l’introduit,
Et, consumé d’amour et de reconnaissance,
Brûle, comme l’encens, son âme en sa présence !
Mais, pour monter à lui, notre esprit abattu
Doit emprunter d’en haut sa force et sa vertu ;
Il faut voler au ciel sur des ailes de flamme :
Le désir et l’amour sont les ailes de l’âme.
Ah ! que ne suis-je né dans l’âge où les humains,
Jeunes, à peine encore échappés de ses mains,
Près de Dieu par le temps, plus près par l’innocence,
Conversaient avec lui, marchaient en sa présence !
Que n’ai-je vu le monde à son premier soleil !
Que n’ai-je entendu l’homme à son premier réveil !