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MÉDITATIONS


Comme un homme éveillé longtemps avant l’aurore,
Jeunes, nous avons fui dans cet heureux séjour ;
Notre rêve est fini, le vôtre dure encore :
Éveillez-vous ! voilà le jour.

Cœurs tendres, approchez ! Ici l’on aime encore ;
Mais l’amour, épuré, s’allume sur l’autel :
Tout ce qu’il a d’humain à ce feu s’évapore ;
Tout ce qui reste est immortel !

La prière, qui veille en ces saintes demeures,
De l’astre matinal nous annonce le cours ;
Et, conduisant pour nous le char pieux des heures,
Remplit et mesure nos jours.

L’airain religieux s’éveille avec l’aurore ;
Il mêle notre hommage à la voix des zéphyrs ;
Et les airs, ébranlés sous le marteau sonore,
Prennent l’accent de nos soupirs.

Dans le creux du rocher, sous une voûte obscure,
S’élève un simple autel : Roi du ciel, est-ce toi ?
Oui ; contraint par l’amour, le Dieu de la nature
Y descend, visible à la foi.

Que ma raison se taise, et que mon cœur adore !
La croix à mes regards révèle un nouveau jour ;
Aux pieds d’un Dieu mourant puis-je douter encore ?
Non : l’amour m’explique l’amour.

Tous ces fronts prosternés, ce feu qui les embrase,
Ces parfums, ces soupirs s’exhalant du saint lieu,
Ces élans enflammés, ces larmes de l’extase,
Tout me répond que c’est un Dieu.