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ANTONIELLA.

acheter une chèvre, du lait de laquelle elle me nourrit en me le faisant sucer au bout de son doigt, jusqu’à ce qu’elle m’eût appris à sucer le pis lui-même. Mon pauvre père ne cessait de pleurer la perte de sa femme, son unique amour. Il commença, dès ce temps-là, à se décourager du travail et à dépenser peu à peu son épargne ; il fit des dettes sans être sûr des moyens de les payer. Il se mit même quelquefois à boire pour oublier son chagrin ; cependant c’était rare, et il ne s’enivra jamais tout à fait. Il était plus résigné quand il sortait, après avoir prié, des chapelles qui sont dans le voisinage, sur le quai alors désert de Chiaja. Sans la servante Annunziata, qui était pour lui comme une seconde fille et une seconde femme, notre maison eût été, dans ces pre-