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ANTONIELLA.

misère où nous paraissions réduites ne nous poussât à les mettre en gage ou à les dérober ; que la faim pouvait bien nous avoir conduites au cimetière, et qu’il n’y avait pas loin du libertinage à l’assassinat d’un enfant.

Je répondis ce que l’innocence m’inspirait pour les confondre, sans nier toutefois que j’eusse été au cimetière prier sur la tombe de mon père, et me faire arrêter, pour qu’on enlevât les jumeaux affamés à l’amour meurtrier de leur mère. Mais cette explication, quoique vraie, parut si éloignée de toute probabilité, que les voisines se prirent à rire, et que mon délire de la nuit fatale leur fit l’effet d’une imagination de folle qui ne pouvait être crue par des hommes de bon sens.