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C’est au milieu de cette prière que le capitaine mit le pied à terre la figure toute rayonnante de bonheur et qu’il se joignit aux villageois dans leurs actions de grâces.

Antoinette Dupuis, que la nature n’avait pas gâtée, mais qui possédait une facilité de parole remarquable y alla de son petit boniment.

— Monsieur le Capitaine, nous sommes ravis de vous.

— J’avoue, Mademoiselle, que j’éprouvais plus de fierté quand j’avais descendu un « Fokker » allemand qu’à la vue de trois cents marsouins à mes pieds, dit d’un air mi-fier, mi-modeste le jeune et beau capitaine.

— Oh ! que ça devait être beau, en effet, reprit la garde-malade enthousiasmée. Mais avouez que ce n’est pas banal, trois cents marsouins pour un premier coup de ligne.

— C’est à croire que je deviendrai un grand pêcheur, Mademoiselle !

— Pêcheur de perles ? dit Antoinette, d’un air suggestif.

— Non, répondit d’un air grave le capitaine. Je crains de devenir un pêcheur de compliments.

— Vous êtes maussade comme un Québecquois, capitaine.

— Si ça s’attrape, Mademoiselle, j’y prendrai garde.

La garde-malade s’éloigna d’un petit air boudeur, pendant que la foule s’amusait de la réponse du capitaine.

— Vite, à l’œuvre, dit le curé. Il ne faut pas perdre le fruit de notre travail. Trois cent douze marsouins, ça vaut de l’argent.

— Que ferons-nous de tout ça ? dit un pêcheur d’un ton découragé.

— Saprelolle ! nous en retirerons l’huile d’abord. Nous vendrons les peaux ensuite.

— Et après, Monsieur le Curé ?

— Et après, Baptiste ? Après si tu as assez de dessein pour ouvrir tes poches, nous mettrons l’argent dedans, dit en riant de tout cœur le vieux curé aux applaudissements des autres assistants.

On institua tant bien que mal une distillerie au moyen de chaudières de toutes formes et de toutes dimensions.