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Toujours qu’une fois débarquée, Évangéline ne vivait plus. Elle voulait partir pour aller rejoindre Gabriel ; mais où le prendre ? Elle consulta le Père Félicien, son curé, qui lui conseilla d’attendre quelques jours pour prendre des renseignements et qui lui promit de l’accompagner ensuite.

Gabriel, de son côté, ne pouvait rester en place tant qu’il n’aurait pas retrouvé sa fiancée. Ils partirent chacun de leur côté en canots d’écorce et ramèrent pendant plusieurs jours sans se rencontrer. Or, un bon soir qu’Évangéline était très fatiguée, ayant voyagé toute la journée, elle s’endormit pour la nuit. Pendant qu’elle dormait, Gabriel qui lui aussi avait ramé toute la journée, et qui ramait encore tard dans la soirée pour rejoindre sa fiancée, passa outre où était Évangéline sans l’apercevoir. Elle non plus ne le vit pas passer, mais pendant son sommeil elle eut un songe qui la mit au désespoir, quand elle s’éveilla. Elle avait vu, en songe, passer Gabriel sans qu’elle pût lui parler. Elle avait vu son Gabriel toujours entre les deux soldats anglais.

C’est alors qu’Évangéline arriva chez le père de Gabriel. Bazile, l’ancien forgeron, avait acquis une belle ferme sur laquelle il commandait comme un grand seigneur. Sa ferme était si grande qu’il fallait qu’il aille à cheval quand il voulait en faire le tour en une seule journée. Il apprit à Évangéline que Gabriel était parti la veille et qu’il avait dû les repasser en chemin. On partit à sa poursuite ; mais en vain chercha-t-on à le rejoindre. Quand on arrivait à un endroit, on apprenait qu’il était parti la veille pour un autre. Il n’y avait pas de télégraphe comme aujourd’hui dans ce temps-là, vous savez. Tous les jours il s’enfonçait plus profondément dans les grandes plaines de l’Ouest américain, si bien qu’à la fin Évangéline se découragea et, sur les conseils d’un missionnaire qui connaissait très bien les solitudes de l’Ouest américain (c’était aussi sauvage dans ce temps-là qu’à l’intérieur de la Côte à ct’heure), elle décida de ne pas aller plus loin.

Elle se dévoua aux soins des malades et finalement se fit Sœur de Charité. Elle avait bien vieilli et en se