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Au milieu de cette scène : une petite église blanche éclairée à l’intérieur par des lampes à pétrole, laissant percer timidement la lumière à travers les hautes fenêtres couvertes de givre aux multiples dessins créés par les caprices de la nature et que le pinceau le plus exercé ne saurait imiter ; de faibles lumières éclairant les petites maisons couvertes de neige, faisant contraste avec le bois noir des lambris sans peinture ; puis, passant en silence à travers les barrières, marchant à la file indienne, au son pâle de la petite cloche de l’église, parents et enfants qui vont présenter à l’Enfant de la crèche leurs naïfs mais sincères hommages.

Dans l’église à demi éclairée et mal chauffée, une humble crèche représentant la scène de la Nativité. Dans la nef, de rudes pêcheurs à la foi naïve mais forte, des petits, des humbles, des pêcheurs comme les apôtres : ceux que le Sauveur aimait et dont il cherchait à s’entourer. Le cadre n’était-il pas aussi naturel après tout qu’au milieu de la splendeur des villes où le luxe s’étale presqu’avec impudence ?

Elle s’entretenait souvent de ces pensées quand arriva enfin le jour solennel. Elle se rendit à l’église avec André et la petite Agathe qu’elle tenait par la main. Ils pénétrèrent dans l’église après avoir encore une fois contemplé cette belle scène extérieure qui s’était maintes fois offerte, aux yeux des habitants de la Rivière-au-Tonnerre, sans peut-être qu’ils en saisissent toute la beauté et la poésie.

Le « maître-chantre », de sa voix criarde, entonna le « Minuit Chrétiens », puis l’humble curé, fatigué par les épreuves où passait sa paroisse, fit cependant son entrée de la manière la plus solennelle possible.

Angéline ne put s’empêcher d’établir le contraste entre les chants presque célestes de son Alma Mater et ceux qu’elle entendait en ce moment ; mais elle se disait en elle-même : c’était, là-bas, le chant des Anges, ici c’est le chant des Bergers. Elle pensait avec raison en elle-même que l’un et l’autre étaient agréables à l’Enfant-Dieu.