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avenir auquel il s’intéressait beaucoup, n’ayant pas été étranger à la poursuite de ses études à Sillery.

— Vous êtes-vous découvert de la vocation ? hasarda-t-il un jour qu’Angéline avait l’air bien disposée.

— « Si ». J’y ai pensé, Monsieur le Curé, d’ailleurs ma regrettée mère m’en parlait souvent sur ses lettres, et je devinais que les grands sacrifices que mes parents s’imposaient à mon égard n’étaient pas sans intention de cette sorte. Ma digne supérieure avait aussi abordé le sujet, et je n’ai pas été tout à fait sourde à son appel, sans toutefois lui donner de réponse définitive. Je désirais revoir ma famille, mais dans des circonstances moins tristes que je l’ai revue, dit-elle en essuyant une larme.

— Laissons de côté ce sujet,… n’y pensons plus, reprit le curé tout ému. Nous le reprendrons plus tard, quand vous serez complètement remise.

— Vous pouvez continuer, répondit Angéline plus forte que le curé, mais les circonstances sont si changées. Les événements se sont succédés avec une telle rapidité que je n’ai pas encore mis d’ordre dans mes idées. Je me dois d’abord à mon père jusqu’à ce qu’il soit tout à fait remis, car vous ne l’ignorez pas, sans doute, il est tout bouleversé, et je constate qu’il passe de grandes nuits sans sommeil. Je l’entends souvent soupirer de ma chambre et cela me cause de l’inquiétude.

— Mais fait-on de l’insomnie, Angéline ?

— Non… non,… dit-elle en rougissant, mais je m’éveille souvent, car je dors inquiète.

— Vous avez raison,… c’est ça : vous avez raison ma fille, répondit le bon curé très ému. Vous vous devez d’abord à votre père, à vos frères et sœurs et, ensuite… après… le bon Dieu arrangera tout cela.

— Je me suis en effet confiée à la Providence. J’ai réfléchi beaucoup depuis notre malheur et je continuerai à réfléchir encore.

— Vous agissez sagement mon enfant, car la Providence voit à tout, vous savez. Si la vie religieuse est un état à peu près parfait pour acquérir des mérites pour le ciel, la