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— Non ! qu’il y « avâ » pas de sang royal dans « c’ta » famille-là, continua Joséphine Leblanc. Pourquoi aussi qu’elle avâ « c’t’air là » ?

— Moi, j’étions de l’opinion de Catherine, ajouta Angélique Brochu. Quand arrive un malheur comme celui-ci dans une famille, y « avâ » une cause, eh bien ! je ne l’aimions pas cette petite reine, « moa ».

— « Entrons-ti ? » interrompit Catherine Mélanson qui écoutait distraitement la conversation, essayant d’épier par la fenêtre ce qui se passait à l’intérieur.

— Entrons quand même, répondit Varsovie Sainfoin, y pourront toujours pas nous manger !

— On dira un Ave pour les âmes du purgatoire, répliqua Catherine. Comme ça, y aurions moins de danger.

Les deux plus hardies entrèrent furtivement et se glissèrent près de la morte. Les deux autres passèrent outre en se signant. Celles qui étaient entrées restèrent longtemps immobiles, examinant attentivement la morte et jetant de temps en temps un regard inquisiteur sur Angéline. Celle-ci s’approcha des bonnes commères et leur adressa la parole :

— Vous connaissiez ma bonne mère, Mesdames ?

— Écoutions ! dit Catherine à sa compagne, elle nous appelle madame !

Les deux commères se tâtèrent pour voir si c’était bien à elles qu’Angéline s’adressait.

— Oui,… oui,… qu’on la connaissions la mère Guillou, ma belle Demoiselle, et que « c’étâ » une morue de bonne femme !

— Oui,… et dire qu’elle est morte sans avoir pu me dire une seule parole, répondit Angéline, puis elle ajouta : Aimeriez-vous à réciter le chapelet avec moi ?

— Oh que oui ! ma belle Demoiselle ! et deux si vous « voulà ».

Elles s’agenouillèrent et répondirent dévotement au chapelet dit par Angéline.

— Elle « n’avâ » pas l’air trop malheureuse, dit Catherine, rompant la première le silence et poussant sa compagne du coude.